LA MÉMOIRE, LA POÉSIE : Portrait de LOÏC HERRY en poète des Falaises
par Christophe DAUPHIN
Cette étude de 22 pages, dont voici trois extraits, recouvre bien tous les aspects de l’œuvre.
[…] La poésie n’est pas seulement une passion, elle est vitale… Plutôt calme et réservé dans la vie, Loïc Herry procède à un lâcher-tout dans ses poèmes : Crache et crie! Voici les tombeaux – tornades superbes. – Hume à pleins naseaux : la tempête est là, déjà les vitres éclatent. Il écrit abondamment… une écriture concise, ciselée, nerveuse, grave, resserrée, qui colle au plus près du vécu.
Après sa disparition, [on] découvre que Loïc a rigoureusement tout préparé pour la publication de ses œuvres. Tout est enregistré sur son ordinateur : titres de recueils, têtes de chapitres, disposition des vers, et parfois des indications telles que : « Si ce roman est publiable, je souhaite qu’il le soit sous le nom de Pierre Lipstein ». Ce dernier sera publié en 1999, de façon posthume, avec six autres nouvelles, sous le titre : Portrait de l’Artiste en personnage de roman ; l’ensemble étant préfacé par Hélène Cixous (à qui le poète avait consacré son mémoire de maîtrise) :
« Il s’agit de quotidien, d’histoires de jeunes gens… Chaque instant est tâté, vécu, épiphaniquement. Jamais de cliché. Toujours le plus minime événement est capté dans sa singularité, dans sa minute, saisi à la source… Une œuvre puissante, discrète, trempée d’amour. Alliage d’extrême douceur et de flexible dureté. C’est beau et c’est miracle… Ici est né un écrivain sans pareil… L’œuvre demeure à sa place immense, déchirant bonheur. Elle, ne mourra plus. »
Les Hommes sans Épaules,
revue littéraire N°32, oct. 2011
(pages 169 à 190 : extraits)
J’ai découvert la poésie de Loïc Herry au Marché de la poésie de Paris. Je saisis (sur le stand de l’éditeur québécois Les Écrits des Forges) une plaquette dont la couverture m’attire, ainsi qu’une autre par inadvertance… Le titre de la deuxième m’intrigue : Ouest. Je feuillette. Il s’agit d’une évocation forte et inédite de la Normandie : La Hague, en fait, avec le port de Goury et son phare, puis le Nez de Jobourg. L’auteur est normand, comme le renseignent les deux premières lignes, en quatrième de couverture.
La découverte de ce poète me comble, du fait de mes travaux du moment : je finalise le manuscrit des Riverains du feu , une anthologie émotiviste de la poésie francophone contemporaine, tout en commençant à travailler sur Riverains des falaises , une anthologie des poètes en Normandie du XIe siècle à nos jours. Je me dis aussitôt que je dois prendre contact avec l’auteur. Mais la lecture, intégrale cette fois, de la notice biographique, me pétrifie sur place. Le poète que je viens tout juste de découvrir m’échappe déjà, puisque décédé en 1995, à l’âge de trente-six ans. La lecture, dans la foulée, des livres disponibles de Herry, achève de me convaincre de l’intégrer au sein des Riverains du feu et de Riverains des falaises, soit les poètes émotivistes et les poètes de la normandité, ce qu’il est pleinement. Loïc Herry est de ces poètes qui incarnent pleinement la normandité. Le terme est de Léopold Sédar Senghor. Il fut très vite au centre de nos entretiens, dès ma rencontre avec le poète-président, en 1996. De la contestation et de la résistance, à l’amour, la normandité se manifeste à grand renfort d’humour noir, de dérision et de satire, au besoin de Merveilleux ; [… ] invocations grinçantes, d’éclats, à vif, des forces telluriques, malaxés et vécus dans les tréfonds de l’être. Le parcours de Loïc Herry, est à l’image de l’œuvre : soleil lumineux d’un côté et noir-abîme de l’autre. Trente-six ans, normand, poète, cancer, falaises, éclats, La Hague… Mais l’intérêt que doit susciter Loïc Herry, ne saurait se limiter à la seule compassion. Non, ce qui forge, au-delà de sa courte vie, la force de Loïc Herry, c’est ce qu’il fut et demeure : un poète.